Ruches-refuges pour les essaims d’abeilles en liberté
- Urs
- 20 avr.
- 6 min de lecture
Le taux de survie des colonies d’abeilles dans la nature est d’environ 50 %. Grâce à des ruches refuges bien conçues, j’essaie – après les pertes de l’année 2024 – de convaincre de nouveaux essaims de s’installer chez nous, à Combe Prunde.
Hiver / printemps 2024
Au printemps 2024, trois de nos quatre colonies d’abeilles sont mortes, faute de nourriture pendant les longues périodes de pluie qui ont duré jusqu’à fin juin. Elles ne trouvaient ni nectar ni pollen pour élever leurs larves. Et cela, après avoir pourtant bien survécu à l’hiver long et très humide !

Ma conduite strictement naturelle des abeilles excluait tout nourrissement, ce qu’on peut à juste titre remettre en question. Je n’avais toutefois pas de miel issu de ma propre production, car je ne prélève du miel que rarement, voire jamais. Il m’aurait donc fallu nourrir avec du sucre – une idée qui me répugne profondément.
Une colonie a pourtant survécu à cette période difficile, ce qui montre qu’un essaim fort peut bel et bien traverser une longue période de mauvais temps.
Pourquoi la période d’avril à mai est-elle décisive pour la survie ?
Lorsque, à la fin de l’hiver, les premiers rayons de soleil viennent chatouiller l’entrée de la ruche, quelque chose commence doucement à s’éveiller à l’intérieur. Les abeilles s’animent – encore prudemment, mais avec une énergie perceptible. Dans la chaleur sombre de la ruche, une des décisions les plus importantes de l’année apicole se prépare : quel est le bon moment pour reprendre le couvain ?

C’est un véritable exercice d’équilibre, dans lequel la colonie mobilise toute son expérience et son instinct. Fait-il déjà assez chaud dehors ? Les ressources florales actuelles et les réserves de nourriture suffiront-elles pour tenir les semaines à venir ? Car dès que la reine commence à pondre, les nourrices doivent chauffer et nourrir le couvain – même s’il neige encore dehors.
Mais pourquoi ce moment est-il si crucial ?
Parce qu’avec le premier couvain, la transition générationnelle s’amorce. Les abeilles d’hiver, qui ont tenu bon depuis l’automne, arrivent peu à peu à la fin de leur vie. Elles ont porté la colonie à travers les mois froids, sans butiner ni construire – leur seule mission était de survivre.
Les nouvelles abeilles, qui naissent maintenant, sont différentes. Ce sont des abeilles d’été – pleines d’énergie, mais avec une vie courte et intense. Elles n’ont que quelques semaines pour récolter du nectar, apporter du pollen, bâtir les rayons, faire croître la colonie.
Si ce cycle commence trop tard, la colonie n’aura pas assez de force pour profiter de la première grande miellée du printemps – elle manquera ainsi une phase cruciale de l’année. S’il commence trop tôt, ce sont le gel, la pénurie de nourriture et des pertes inutiles qui menacent.
C’est pourquoi ce moment invisible, celui où le premier couvain de l’année est pondu dans les rayons, est si important. C’est le signal discret du début d’une nouvelle année apicole – et son bon timing décide souvent du destin de toute la colonie.
Si une longue période de pluie s’installe juste après une phase de beau temps, les abeilles ne parviennent plus à nourrir le couvain – les larves ou jeunes abeilles meurent. Et comme les abeilles d’hiver, qui s’occupent de l’élevage, meurent elles aussi de vieillesse après environ 6 à 7 mois, il peut arriver que toute la colonie disparaisse.
L'essaim
Quelque part à la fin du printemps – chez nous à 900 m d’altitude, le plus souvent en mai – une tension particulière flotte dans l’air. Un genre de bourdonnement que même l’observateur le plus attentif ne perçoit qu’à peine. Dans une ruche forte et en bonne santé, le désir de se diviser grandit. La ruche devient trop étroite, la reine pond sans relâche, de jeunes abeilles naissent minute après minute. La colonie atteint le sommet de sa puissance – et se prépare à quelque chose de plus grand.
Puis vient ce jour particulier : chaud, ensoleillé, sans vent. Soudain, tout s’accélère. Des milliers d’abeilles jaillissent de la ruche, tourbillonnent dans tous les sens et forment un immense nuage vivant. Un essaim s’en est allé. En son cœur : l’ancienne reine, guidée par les instincts d’un événement naturel ancestral.
L’essaimage n’est pas un chaos – c’est un acte de renouveau. La colonie ne se reproduit pas par l’individu, mais comme un tout. L’essaim est en quelque sorte la “graine” de l’ancienne ruche, qui part fonder une nouvelle vie. Ce qui reste derrière, c’est la colonie mère avec un couvain jeune, d’où naîtra bientôt une nouvelle reine.
Mais que faire de toute cette énergie de vie condensée ?
Dans un premier temps, l’essaim s’accroche souvent à un arbre ou un buisson – un abri provisoire...

C’est à partir de là que commence l’une des phases les plus fascinantes de la vie des abeilles : la recherche d’un nouveau logis. Des éclaireuses s’envolent, explorent des cavités, des troncs creux, des greniers, des recoins oubliés – chacune rapporte ses impressions. Puis débute une discussion animée, sans un mot, uniquement par la danse. Plus une abeille est convaincue, plus elle danse avec ferveur. Les autres observent, vérifient, se joignent à la danse… ou pas.
Des heures, parfois même des jours plus tard, la décision est prise. L’essaim s’élève dans les airs, en un seul mouvement, comme un organisme unique, vers son nouveau foyer. C’est là qu’il recommence tout : bâtir les rayons, installer la reine, pondre le couvain. Une nouvelle colonie voit le jour – portée par la force de l’ancienne, mais avec sa propre histoire à écrire.
Sélectives… avec sagesse
Ce qui, à première vue, ressemble à un départ sauvage vers l’inconnu est en réalité un processus hautement organisé. Les abeilles ne choisissent pas leur nouveau logis au hasard – bien au contraire : elles suivent un cahier des charges étonnamment précis, confirmé par d’innombrables études ainsi que par l’observation pratique.
En plus du volume et de la sécheresse du futur habitat, elles prêtent attention à d’autres critères essentiels :
Hauteur par rapport au sol : Idéalement, le nouveau nid se trouve à une hauteur de 2 à 5 mètres. Cela offre une protection contre les prédateurs, l’humidité et le rayonnement thermique du sol durant la nuit.
Orientation : L’entrée ne doit pas être orientée plein nord. Les directions est ou sud-est sont particulièrement appréciées, car le soleil du matin réchauffe rapidement l’entrée et réveille la colonie en douceur.
Ensoleillement : Les abeilles préfèrent les emplacements qui ne sont ni constamment à l’ombre, ni exposés à un soleil de midi trop intense. Un endroit partiellement ombragé, doux et lumineux le matin est considéré comme optimal.
Taille de l’entrée : L’orifice d’envol ne doit pas être trop grand, afin que le petit essaim puisse se défendre efficacement contre les prédateurs et les pilleurs de miel.
Odeur de ruche : Les abeilles montrent une nette préférence pour les cavités déjà habitées par d’autres colonies : la présence de cire, de traces de propolis, voire d’anciens rayons naturels encore intacts, agit comme une invitation.
Les apiculteurs classiques placent souvent leurs ruches en plein soleil, afin que les abeilles butinent plus longtemps et que les ruches à grand volume puissent être remplies. Il n’est généralement pas non plus dans leur intérêt de les installer en hauteur – les nombreuses interventions seraient tout simplement trop difficiles à gérer.
Pour ma part, l’objectif était d’offrir aux abeilles un habitat aussi naturel que possible – et voici comment je l’ai mis en œuvre.
Mon choix de ruche-refuge – au plus proche de la nature
Pour l’instant, je me suis également basé sur mes ruches Warré pour construire les ruches-refuges, car je n’ai pas encore concrétisé ma propre ruche plus proche de la nature.
Étant donné que les abeilles choisissent leur habitat de manière ciblée et selon des critères précis, il m’est impensable de simplement capturer un essaim dans une ruche-refuge pour le transplanter ensuite ailleurs – comme cela se fait le plus souvent. Je construis mes ruches-refuges avec l’intention de les laisser en place une fois qu’un essaim s’y est installé.
La base est constituée de quatre poteaux en acacia plantés en carré, d’environ 40 x 40 cm. Ils doivent être à peu près de la même longueur. Sur chacun des quatre côtés, je fixe une planche horizontale entre les poteaux – bien de niveau grâce au niveau à bulle – afin d’obtenir une base stable et plane.
Par-dessus, je visse des planches pour former une plateforme d’environ 50 x 50 cm, qui doit être aussi parfaitement de niveau. La hauteur finale se situe vers 1,70 m au-dessus du sol.
Sur cette plateforme, je fixe le plateau de fond de la ruche, puis je construis la ruche proprement dite avec un ou deux éléments supplémentaires par-dessus.
J’ai orienté l’entrée de la ruche autant que possible vers l’est ou le sud-est. Tous les emplacements choisis offrent une bonne protection contre le soleil de midi et de l’après-midi. Dans chaque ruche, j’ai placé une ou deux anciennes cires – propres, mais déjà utilisées.
Il ne reste plus qu’à attendre… et à se laisser surprendre. Les essaims d’abeilles cherchent en général leur nouveau logis à une distance de 500 m à 2 km de leur ancienne ruche, mais il leur arrive aussi de parcourir 3 à 5 km à la recherche d’un bon endroit. J’espère qu’elles passeront par chez nous !
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